Allocution de Mme Rahma BOURQIA Présidente du Conseil à l’ouverture de la 8e session de l’Assemblée générale
20 mai 2025
et de la Recherche Scientifique,
J’ai le plaisir de vous souhaiter, à nouveau, la bienvenue à la huitième session de notre Assemblée générale. Une session que nous plaçons, une fois encore, sous le signe d’une mission collective, d’une synergie fédératrice, de la pluralité des contributions et d’un objectif commun. Autant de principes qui fondent l’action du Conseil et imprègnent ses travaux comme ses productions, que nous aspirons, collectivement, à hisser au plus haut niveau de qualité et d’ambition créatrice.
Notre Assemblée générale examine lors de cette session deux projets, portant respectivement sur :
- l’avis du Conseil concernant le "projet de loi relatif à l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et l’innovation" ;
- l’avis du Conseil relatif au "projet des référentiels des emplois et des compétences propres au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation."
Deux projets qui ont en commun l’ambition de renouveler le cadre législatif régissant le système de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, d’une part, et d’autre part, d’organiser le fonctionnement de ses structures de gouvernance de manière rationnelle, en vue d’une gestion plus efficiente et plus performante.
Permettez-moi, à cet égard, d’axer cette allocution d’ouverture sur l’importance de la promulgation d’une nouvelle loi encadrant le système de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Il y a lieu de définir clairement le rôle de ce dernier et ses missions afin de répondre aux évolutions en cours — qu’il s’agisse des mutations sociétales nationales, qui appellent avec insistance à une révision du cadre législatif en vigueur (en l’occurrence la loi 01.00, entrée en application il y a près d’un quart de siècle) ; ou, des transformations que connaissent les universités et les systèmes d’enseignement supérieur à l’échelle internationale. À cela, s’ajoute la nécessité de prendre en considération les enjeux que soulève le développement humain de la société marocaine, notamment en matière de formation de compétences qualifiées, de protection de la jeunesse et du renforcement de ses capacités et, par conséquent, de la promotion de la société dans son ensemble.
L’objectif principal du renouvellement du cadre législatif de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique est le mettre en conformité avec les transformations que traverse notre pays et ses besoins, et les évolutions des systèmes d’enseignement supérieur dans le monde. Parmi les missions de l’enseignement supérieur, certaines sont constantes et doivent être renforcées, tandis que d’autres sont nouvelles et requièrent de leur trouver une place dans les textes réglementaires ainsi que de concevoir les mécanismes de leur mise en œuvre, afin d’assurer une adaptation réelle et durable à ces mutations que traversent les systèmes de l’enseignement supérieur dans le monde.
Les établissements d’enseignement supérieur en général, et l’université en particulier, sont des espaces des enseignants chercheurs et de la production scientifique et technologique. En conséquence, ils sont tenus de s’adapter au rythme effréné des innovations dans les domaines de la formation, de la production scientifique et technologique, en tenant compte des transformations qui s’opèrent aux niveaux : économique, sociale et culturelle. Cela implique nécessairement le renouvellement des contenus de formation, la mise en place de mécanismes d’accompagnement de l’évolution des sciences et des technologies, la maîtrise de leurs avancées, ainsi que la contribution à la production des connaissances.
L’enseignement supérieur a une mission qui est constante et essentielle : elle réside dans la philosophie même de son existence et se trouve confortée par les dispositions légales. Cette mission consiste en son rôle fondamental dans la formation et la qualification de la génération actuelle. Cette génération qui a reçu les savoirs et les enseignements de la précédente, et qui, à son tour, se doit de les enrichir et de les faire évoluer pour les transmettre à la génération suivante. C’est le passage de flambeau entre les générations qui garantit la continuité de la production et du renouvellement des savoirs au sein de la société. Dès lors, toute réforme du cadre législatif constitue, en définitive, une évolution positive pour les établissements d’enseignement supérieur, dans la mesure où ceux-ci assurent la préservation, l’actualisation et la transmission des connaissances à chaque nouvelle génération.
L’enseignement supérieur accueille une frange large et diverse de la jeunesse estudiantine, dont chaque jeune (étudiant ou étudiante) représente un acteur en devenir, appelé à s’engager dans l’administration et les divers rouages de l’État, dans les domaines de l’enseignement, de la formation, de la recherche, au sein des entreprises, ainsi que dans l’ensemble des sphères de la vie publique. Les jeunes diplômés ont ainsi la responsabilité de conduire le pays vers le progrès et la prospérité.
La nécessité constante, pour notre pays, de disposer de hautes compétences qualifiées impose à l’enseignement supérieur, secteurs public et privé confondus, d’être performant afin de pouvoir renforcer de manière perceptible les capacités des jeunes. Ce qui favorise leur épanouissement personnel et les prépare à contribuer activement au développement du pays.
Les missions et fonctions de l’enseignement supérieur ont connu une profonde transformation et une nette expansion, en raison de l’évolution majeure des besoins économiques, sociaux, environnementaux et culturels, ainsi que du progrès technologique accéléré, qui caractérise le monde où nous vivons. Cela constitue la principale motivation pour une refonte en profondeur du cadre législatif régissant l’enseignement supérieur, mais avec une vision et une philosophie nouvelle : un modèle pédagogique innovant et des mécanismes de gouvernance efficients et performants, dans le cadre de l’autonomie des systèmes universitaires.
L’enseignement supérieur est confronté à des défis considérables, en particulier les universités publiques qui dépendent du financement de l’État, un financement qui, bien souvent, ne correspond pas aux besoins croissants résultant de la croissance démographique des étudiants et de l’afflux de plus en plus important vers les établissements d’enseignement supérieur.
Les universités publiques sont souvent sollicitées pour développer leurs services en mobilisant l’expertise, la recherche scientifique dans les centres dédiés, les études, ainsi que la formation continue des cadres exerçant dans divers secteurs, dans le but de rehausser le niveau des professionnels et de contribuer à la qualification des ressources humaines. Toutefois, la prestation de ces services doit s’inscrire dans un cadre de professionnalisme et de respect des valeurs éthiques, afin de préserver la réputation de l’université et son statut de pôle d’excellence en matière d’enseignement et de recherche
Il ne fait aucun doute que les mutations successives et rapides que connaît le monde exercent un impact manifeste sur les établissements d’enseignement supérieur ; un impact que leur modèle pédagogique se doit d’intégrer de manière effective et optimale. Cette réalité a conduit à recentrer les missions de l’enseignement supérieur sur la formation et l’encadrement des étudiants afin qu’ils acquièrent les savoirs et connaissances nécessaires, ainsi que la capacité de comprendre le monde dans lequel ils vivent, et qu’in fine, ils puissent contribuer à l’avancement de ces connaissances et à la résolution des problèmes auxquels l’humanité et les sociétés sont confrontées aujourd’hui. Il s’agit également de les préparer à prendre conscience des défis émergents, dans un monde en perpétuelle mutation, marqué par l’accélération du progrès technologique et la profusion d’idées et de solutions innovantes, ce qui exige un suivi constant et vigilent ainsi qu’une participation active à cette dynamique.
Face à cette réalité, il est impératif d’opérer une refonte profonde de la loi régissant l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et l’innovation : gouvernance, modèle pédagogique, méthodes d’enseignement et de formation, modalités de participation étudiante… Autant de leviers parmi d’autres, indispensables pour renforcer ce système et le doter des capacités et des garanties nécessaires afin qu’il puisse contribuer à l’amélioration de la résilience face aux crises sociales, environnementales et économiques, au renouvellement de la formation, à la production des savoirs, et à l’élargissement de la prise de conscience des défis actuels et à venir. Ces évolutions permanentes font émerger de nouveaux besoins qui appellent, à leur tour, des réponses et des solutions via une réforme continue.
Il incombe également à l’enseignement supérieur de former des citoyens dotés d’un esprit rationnel et capables de contribuer activement à la vie publique. L’université se doit, à ce titre, de constituer un haut lieu d’incarnation des valeurs éthiques, lesquelles doivent imprégner les comportements de l’ensemble des membres de la communauté universitaire, appelés à représenter l’élite éclairée de la société.
Dans une perspective de justice territoriale, il devient impératif d’élargir l’accès à l’enseignement numérique à distance, afin de permettre aux étudiantes et étudiants des zones reculées de suivre les enseignements à distance. Cette orientation s’inscrit dans le respect du principe d’équité et d’égalité des chances et confirme la vocation de l’université en tant qu’acteur de développement, engagé dans la réduction des inégalités territoriales et sociales.
Des études récentes mettent en évidence les transformations profondes que connaît aujourd’hui le métier d’enseignant, sous l’effet conjugué de la révolution numérique et de l’intégration croissante de l’Intelligence Artificielle. Ces évolutions ont un impact direct sur le modèle pédagogique en vigueur. Dans ce contexte, la démocratisation de l’intelligence artificielle générative soulève des questions à la fois professionnelles et éthiques. Elle interpelle sur les modalités selon lesquelles les enseignants et les étudiants peuvent et doivent interagir avec cette nouvelle réalité. Cela exige de définir des méthodologies claires quant à l’usage des savoirs produits ou proposés par l’intelligence artificielle. Il appartient donc aux universités, en tant qu’institutions, de se saisir de ces enjeux et d’engager une réflexion approfondie sur les implications pédagogiques de ces transformations.
Nous savons que l’Intelligence Artificielle Générative transformera inévitablement la conception même de l’enseignement, l’ingénierie des contenus, ainsi que les systèmes d’évaluation dans l’enseignement supérieur. Elle imposera nécessairement à l’ensemble des acteurs une adaptation à cette nouvelle réalité, et une remise en question des modes de préparation et de transmission des cours et des formations.
Cette évolution appelle à s’inspirer des expériences internationales les plus avancées dans ce domaine, tant il est certain que cette technologie aura un impact profond sur les pratiques professionnelles, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la recherche, ou encore de la manière dont les étudiants interagiraient avec ce nouvel environnement.
Dans la mesure où les établissements d’enseignement supérieur sont, par essence, des lieux dédiés au savoir et à l’acquisition et la production de la connaissance, il apparaît essentiel qu’ils soient protégés par une éthique exigeante, qui soit garante de leur intégrité intellectuelle et scientifique. Cette exigence implique la mise en place d’un cadre de valeurs partagées, élaboré de manière collective. Son effectivité repose sur l’engagement de l’ensemble des acteurs à incarner ces valeurs, tant dans les comportements individuels que dans les pratiques pédagogiques et scientifiques.
Dès lors, et au regard des manifestations tangibles de cette nouvelle réalité et de ses effets désormais observables, l’effort législatif à venir se doit d’avoir pour objectif de redéfinir le rôle que l’enseignement supérieur est appelé à jouer, tant à l’égard des étudiants qu’envers la société dans son ensemble.
L’enseignement supérieur qui sera capable, non seulement de se réformer, mais aussi d’engager une transformation en profondeur, est celui qui saura intégrer pleinement les grands défis du monde contemporain. Parmi ces défis figurent, en première ligne, les mutations technologiques, l’exigence de durabilité environnementale, l’impératif de justice sociale, le développement humain, ainsi que l’alignement sur les standards internationaux en matière d’évaluation de la qualité des systèmes d’enseignement supérieur.
L’enseignement supérieur ne peut à l’heure actuelle assumer pleinement ses missions sans disposer des mécanismes adéquats permettant de libérer les potentialités, de renforcer les capacités, et de stimuler des décisions innovantes. Cela requiert une gouvernance alliant démocratie consensuelle et efficience, afin d’assurer une gestion fluide et efficace des universités et des établissements d’enseignement supérieur, tous types confondus.
La gouvernance efficace se révèle être le pilier essentiel du développement de l’enseignement supérieur, particulièrement dans un contexte qui requiert une mutation profonde de l’ensemble des mécanismes de qualité. Elle incarne le trait d’union entre la vision esquissée dans le cadre législatif et sa concrétisation sur le terrain, tout en intégrant l’impératif d’une gestion efficiente et productive. La législation, conjuguée à la rigueur de son application, constitue ainsi la clé de voûte d’une transformation ambitieuse de l’enseignement supérieur, dans un pays porté par ses aspirations, et au sein d’un monde marqué par une grande concurrence, tant sur les plans économique, intellectuel que technologique.
Au moment d’examiner la vision structurante et l’esprit du projet de loi qui leur a été soumis, puis de formuler des observations et propositions à son sujet, les instances du Conseil ont constamment gardé à l’esprit la vocation et les finalités d’un tel texte, tant pour le fonctionnement actuel de l’enseignement supérieur que pour ses évolutions à venir, à court comme à long terme. Elles ont également souligné son rôle déterminant dans la formation et la qualification des générations d’étudiants, dans le soutien à la production de savoirs scientifiques et technologiques, ainsi que dans le rayonnement du Maroc sur la scène internationale. Un rôle qui s’inscrit pleinement dans la finalité ultime de tout système éducatif, quel qu’en soit le niveau, à savoir contribuer à la promotion de l’individu et de la société.
Mesdames et Messieurs,
Telles sont quelques-unes des idées et des fondements que j’ai souhaité mettre en exergue dans cette allocution d’ouverture. Elles me semblent incarner l’esprit et la philosophie qui devraient guider notre approche du projet de loi en préparation.
Un projet qui vise à repenser en profondeur l’organisation, la structuration et la gouvernance de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Il entend également revisiter son modèle pédagogique, ses modes de financement, ses mécanismes d’évaluation, ainsi que ses liens avec le secteur privé et l’ensemble du tissu économique et social. Il s’agit, à travers cette ambition, d’ouvrir un horizon nouveau, plus sûr et empreint de confiance.
Je forme enfin le vœu que les travaux de cette session soient couronnés de succès, et qu’ils nous permettent de franchir une nouvelle étape constructive dans le cheminement du Conseil, dans l’accomplissement de ses missions et dans le renforcement de son positionnement institutionnel.
Je vous remercie de votre attention.

